ORLANDO RIBEIRO, 1911-1997

Orlando Ribeiro fut avant tout un professeur et un chercheur, et il a été le rénovateur de la Géographie scientifique au Portugal au XXe siècle. C’est le géographe portugais mondialement le plus connu. Mais son œuvre très vaste ne résulte pas seulement de sa longue et active carrière d’enseignant et de chercheur universitaire. Au delà du progrès scientique proprement géographique, son œuvre révèle des intérêts fort divers et une façon très personnelle de concevoir le monde.

La rénovation de la Géographie résulte de la place centrale qu’il a accordée au facteur humain dans l’explication des faits géographiques, entendus dans un sens très large. Alors qu’il était encore lycéen, le jeune Orlando Ribeiro se forgeait déjà une vision humaniste du monde, en s’intéressant à l’Histoire, à l’Anthropologie et à l’Ethnographie, et en établissant des contacts avec des personnalités comme le professeur David Lopes ou comme Leite de Vasconcellos, dont il se considéra disciple toute sa vie.

Mais sa vision très large de la science géographique résulte aussi d’un esprit curieux et indépendant qui l’amena, dès les bancs de l’école, à établir des contacts avec divers scientifiques. Ceux-ci l’aidèrent à acquérir la formation de naturaliste qu’il considérait indispensable pour un géographe. Il pratiqua la Géologie sur le terrain avec Fleury et collabora plus tard avec Carlos Teixeira et Zbyszewski. La Médecine lui fournit une formation méthodologique et des notions de Biologie, acquises par la fréquentation amicale de Juvenal Esteves, de Barahona Fernandes et de la famille Celestino da Costa. C’est avec eux qu’il s’initia aux valeurs universelles de la littérature et de la musique, en pratiquant les œuvres de Goethe, Bach, Beethoven et Bruckner. Sa première conférence eut pour prétexte le centenaire de la mort de Goethe (1932) et son premier article, Geografia humana, fut publié dans une revue de Médecine, en 1934.

Licencié en Histoire et Géographie en 1932, Orlando Ribeiro obtint le titre de docteur en Géographie de l’Université de Lisbonne en 1936, en présentant une thèse sur A Arrábida. Esboço geográfico. Il partit en 1937 pour Paris comme lecteur de portugais à la Sorbonne. Il en profita pour élargir ses connaissances auprès de maîtres comme Marc Bloch, Emmanuel de Martonne et Albert Demangeon. De retour au Portugal en 1940, il fut successivement nommé professeur à Coimbra et à Lisbonne, où il fonda, en 1943, le Centro de Estudos Geográficos. Il publia dès 1945 une de ses œuvres de synthèse les plus connues, Portugal, o Mediterraneo e o Atlântico, où il décrit les traits essentiels d’un pays à la fois méditerranéen et atlantique. En 1966, il créa la revue Finisterra, qui est encore aujourd’hui un des plus importants moyens d’expression de la Géographie portugaise, tant au plan national qu’international.

La collaboration scientifique internationale fut, en effet, un autre aspect marquant de l’activité d’Orlando Ribeiro. Il organisa à Lisbonne, en 1949, le premier Congrès de l’Union Géographique Internationale postérieur à la guerre et il fut élu, en 1952, Premier Vice-Président de cette organisation. Il pratiqua toute sa vie, et incita ses disciples à pratiquer, de fréquents échanges avec les géographes d’autres pays, sous forme de stages, de colloques et de voyages d’étude, auxquels il dédia une grande partie de son temps.

Ses voyages, et les travaux qui en résultèrent, sont peut-être le meilleur témoignage de son activité en tant que géographe. Mais ils témoignent aussi parfaitement de ses préoccupations sociales concernant les pays et les peuples étudiés. Ils nous mettent encore en contact direct avec sa sensibilité en tant que photographe, ainsi qu’avec «le fond magique de sa personnalité» et la qualité littéraire de sa prose. Voyageur infatigable, il circula surtout au Portugal et en Espagne pendant les années 40, puis courut le monde entre 1950 et 1965, en s’attachant principalement à l’outremer portugais. Orlando Ribeiro nous transmet une lecture du monde où l’observation scientifique est inséparable aussi bien de la nature, entendue au sens le plus large du mot, que des apports humains qui s’expriment par les façons de vivre et par l’art pratiqué dans les diverses cultures.

Capa do livro "Memórias de um Geógrafo"

Citoyen engagé, qui transmettait efficacement par écrit ses idées sur l’organisation de la science, sur l’enseignement et l’université, ou encore sur les problèmes coloniaux, Orlando Ribeiro maintint toujours une attitude directe et frontale qui, si elle n’empêchait pas le respect scientifique qu’on lui portait généralement, ne facilita guère ses relations avec les autorités, aussi bien du temps de Salazar qu’à l’époque qui suivit la révolution du 25 avril. À l’expression de ses opinions, les décideurs opposèrent presque toujours un épais silence. En contraste avec sa précoce reconnaissance scientifique au niveau international, on doit relever la tardive diffusion de son œuvre au Portugal et le fait que les honneurs officiels ne lui furent conférés que dans sa vieillesse.

C’est encore par la plume même d’Orlando Ribeiro qu’on peut revivre aujourd’hui toute une époque, grâce à la précieuse expression qu’il donna de son expérience de vie dans des textes réunis et publiés en 2003: Orlando Ribeiro. Memórias de um Geógrafo. Mais bien d’autres témoignages, publiés à partir des années 70, sont accessibles sur Orlando Ribeiro et son œuvre.


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